Depuis la création de Seksion Maloya en 2014, vous êtes depuis devenu l’un des chefs de file du maloya en Europe. Quel est votre parcours ?
Tout a commencé en 1993, en banlieue parisienne. J’avais 13 ans quand mon oncle m’a emmené à un kabar, une fête créole où se produisent en improvisation de nombreux musiciens. Lorsque l’un d’entre eux s’est mis à chanter sur scène, j’ai frissonné. À la maison, on écoutait déjà les quelques vinyles de maloya existants, mais le voir en live, c’était autre chose. Ça a été le déclic : depuis, je respire maloya, je vis maloya.
À 15 ans, je retrouvais d’autres réunionnais au parc de la Villette pour faire du maloya toute la journée. Chaque Fête de la musique, je me rendais à des kabar dans Paris pour écouter, puis jouer. Je joue de manière professionnelle depuis les années 2000. J’ai fait partie de plusieurs groupes avant de fonder Seksion Maloya en 2014 avec quatre autres musiciens. Et en 2019, nous avons été sélectionnés pour rejoindre le dispositif des Musiciens du métro de la RATP.
Qu’est-ce que le maloya pour vous ?
Le maloya est une musique de résistance de nos ancêtres, ancrée dans la terre, dans la plantation. Le blues était la musique des esclaves dans les champs de coton aux États-Unis, le maloya est celle de ceux des champs de canne à sucre de La Réunion. C’était pour eux la seule façon de s’exprimer, lorsqu’ils se retrouvaient le soir pour chanter ensemble après une dure journée de labeur. Le maloya raconte la vie, les déceptions, les colères, l’amour.
Quelle place accordez-vous à la tradition dans votre travail musical ?
Notre répertoire mélange les morceaux traditionnels et nos compositions originales. Je m’inscris dans la tradition dans la mesure où je fabrique mes propres instruments - le roulèr, le kayamb ou encore le sati. Mais nous avons aussi innové en intégrant un bob électrique, de la basse et de la guitare. Je pousse la tradition plus loin en donnant une grande place à la voix, aux chœurs et aux harmonies inspirées du jazz. Par ailleurs, j’ai monté une chorale et une fanfare maloya à Aubervilliers pour transmettre à la fois les chants traditionnels et les adapter à des instruments occidentaux.
Pour vous, une musique traditionnelle comme le maloya doit-elle forcément évoluer ? Pourquoi ?
Oui, le maloya est une musique vivante. En innovant, on montre qu’on est capables d’adapter sans trahir. On continue à écrire les pages du maloya.
Vous serez sur la scène, dans les jardins du Palais-Royal, à l’occasion du concert organisé par le ministère de Culture pour la Fête de la musique. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Je suis très heureux. Seksion Maloya joue une musique étiquetée traditionnelle, moins populaire que le hip-hop ou le RnB, par exemple. De plus, pour moi, cette date est symbolique car chaque année j’allais rue Saint-André-des-Arts à Paris écouter du maloya lors de la Fête de la musique. Aujourd’hui, pouvoir le jouer sur une scène en plein Paris, c’est une fierté et un hommage à tous les anciens.
Les instruments du maloya
Le maloya, musique traditionnelle de La Réunion, puise ses racines dans l’histoire et la terre de l’île. Ses instruments, fabriqués à la main, sont le reflet de cette authenticité. Le roulèr porte la pulsation. Ce tambour, fait à partir d’un tonneau recouvert d’une peau de bœuf tendue, vibre au contact des mains du musicien. À ses côtés, le kayamb est un instrument emblématique. Secoué latéralement pour produire un son sec et répétitif, il est tressé à partir de tiges de canne à sucre séchées remplies de graines. Le sati, plaque métallique frappée d’une baguette et le pikèr, morceau de bambou creusé et aussi frappé d’une baguette, marquent les accents caractéristiques et les temps forts du maloya.
La composition de Seksion Maloya
Loran Vélia : kayamb, lead
Théo Morel : roulèr, voix
Ondine Razafimbelo : bob électrique, roulèr, voix
Lisa Flandi : triangle, sati, voix
Gaelle Bagot : Uku bass, clarinette, voix
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